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Silence, on tourne !

10 January 2012
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Le vendredi 6 janvier, considéré par les coordinations locales de la révolution syrienne comme le jour de « l’internationalisation de la protection », résultant du sentiment croissant d’incapacité d’agir de la délégation des observateurs, la ville de Damas a connu un « attentat » meurtrier faisant plus de 25 victimes. 

Les accusations officielles ont été nombreuses pour désigner les coupables quelques minutes après l’événement. Pour le Hezbollah libanais, ce sont les Américains, qui veulent sanctionner la Syrie pour son soutien à la résistance contre l’ennemi israélien. Bien que redondant, ce discours habite le paysage médiatique syro-libanais depuis 10 mois. 

Parallèlement, les médias du pouvoir syrien (publics et privés) ont été les plus rapides dans la couverture de ces événements : cinq minutes après que les habitants de Damas ont entendu la déflagration, les caméras de la télévision nationale ainsi que de la chaîne privée Dunya transmettaient en direct des images de la scène du crime ! 

Le régime syrien a déjà une expérience dans ce domaine depuis son implication dans la guerre civile libanaise et en ce qui concerne les attentats qui ont secoué les grandes villes syriennes dans les années 1980. On peut remarquer cependant qu’il y avait à l’époque plus de professionnalisme « diabolique » qu’à l’heure actuelle. Les pressions internationales et les exigences d’une transmission sur les réseaux sociaux nécessitent en effet une réaction rapide, ce qui peut donner lieu à des « erreurs » flagrantes de mise en scène.

Ce qui se passe en Syrie n’est pas une guerre civile, mais une guerre contre les civils. Tout observateur, même neutre, doit être attentif à plusieurs facteurs :

1 – les attentats à Damas ont commencé après l’arrivée des observateurs arabes ;

2 – les attentats se déroulent le vendredi, jour de manifestation privilégié par les contestataires pacifiques ;

3 – les noms des victimes se répètent dans les déclarations officielles même s’il y a deux semaines ou plus entre les deux attentats ; 

4 – les lieux des crimes sont rapidement nettoyés alors que, dans le domaine des investigations criminelles, la scène du crime doit être protégée pendant au moins 24 heures pour permettre aux enquêteurs de réunir le maximum d’éléments ;

5 – sur les écrans de la télévision nationale, des images filmées à la hâte ont été diffusées, où l’on pouvait voir des agents de sécurité posant, à côté des taches de sang, des sacs en plastique qui contenaient des fruits et des légumes, destinés à faire croire que des civils en train de faire leurs courses étaient victimes d’un attentat terroriste…

(http://www.youtube.com/watch?v=Xoa_dUhn0lA&feature=player_embedded#)

6 – sur la scène du crime, la télévision officielle a montré un blessé de la police consolé par un collègue, puis, les deux protagonistes, pensant que le tournage était terminé, se sont levés très sportivement en faisant un signe au caméraman ; 

7 – le lieu du crime est le quartier du Midan, lieu mythique de la contestation. Ce quartier du vieux Damas est le plus contestataire depuis le début des événements en mars 2011. Chaque vendredi, il est le théâtre d’une grande manifestation et plusieurs habitants y ont été blessés ou tués durant ces dix derniers mois. Le nombre de détenus est de plusieurs centaines ; 

8 – le même jour, le vendredi 6 janvier donc, une manifestation surprise était organisée dans la localité avoisinante de Kfar Soussa (http://www.youtube.com/watch?v=rX8lBxEy7z4&feature=player_embedded), réprimée dans le sang faute d’observateurs arabes amenés à constater « l’acte terroriste » commis à Midan ; 

9 – dans les minutes qui ont suivi l’attentat, des dizaines de personnes ont ressurgi avec des portraits du président, scandant des slogans de soutien au régime – en fait des chabbyha (barbouzes civils armés par le régime afin de terroriser la population) faisant office de figurants pour un tournage mal ficelé. 

Dans cette logique menée par le régime, il faut s’attendre dans les prochains jours à une multitude d’attentats qui vont donner lieu à des victimes civiles et militaires. Il est très important de souligner que les lieux de culte, et notamment ceux des chrétiens, risquent à leur tour d’être ciblés par le « génie » d’un régime ou d’une fraction au sein de ce régime, qui croit que la gestion sécuritaire, le terrorisme, la répression seront le meilleur et le seul remède à une contestation civile et civilisée qui ne cesse de s’accroître dans ce pays. La communauté internationale est également visée par cette propagande afin d’effrayer les hésitants et de montrer que le pays risque un bain de sang si le pouvoir en place est destitué ou si, du moins, il devient plus faible qu’il a pu l’être durant des décennies. La guerre contre les civils continuera sous différentes formes et coûtera encore et encore des vies humaines.