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11 Septembre : impact sur l’élargissement de l’OTAN

01 October 2001

Après les attentats du 11 septembre, les débats sur l’OTAN et son élargissement devront tenir compte de deux évolutions majeures :
le recours à l’article 5, dès le 12 septembre, pour exprimer la solidarité atlantique contre le terrorisme d’une part ;
la coopération américano-russe dans la lutte anti-terroriste d’autre part.
<br />A) Pour l’OTAN, le nouveau débat peut affecter aussi bien la valeur de l’article 5, que la zone de compétence de l’organisation, ou le prépositionnement des forces américaines.
Le recours à l’article 5 pour des attaques terroristes contre le territoire américain supprime-t-il, ou du moins relativise-t-il la valeur de cet article en cas d’agression militaire classique contre l’un des membres européens de l’Alliance ? Pour larvé soit-il, le débat n’en est pas moins ouvert. D’autant que la formule actuellement retenue par Washington – solidarité politique de l’Alliance mais action militaire unilatérale des Etats-Unis – laisse planer un doute sur le degré de confiance que l’Administration Bush témoigne envers la collectivité et l’efficacité des structures militaires de l’OTAN. Les Etats-Unis s’étaient déjà montrés passablement agacés, lors de la guerre du Kosovo, par la nécessité de négocier avec les alliés la stratégie et la planification des frappes anti-serbes. L’utilisation de l’OTAN dans la nouvelle configuration anti-terroriste semble confirmer cette volonté américaine de combiner le soutien politique maximal des alliés avec la liberté d’action maximale pour l’Amérique. Or ceci ne serait pas sans effet sur l’avenir de l’Alliance, et notamment sur les perceptions des uns et des autres à l’égard de l’organisation.
Sur le plan juridique, un certain flou entoure désormais la définition de la zone de compétence de l’OTAN. Lors de la guerre du Golfe en 1991, plusieurs pays européens n’avaient pas voulu élargir cette compétence au-delà de la zone de l’Atlantique Nord. Dans la guerre anti-terroriste qui s’annonce, la question du rôle régional ou mondial de l’OTAN pourrait redevenir de facto pertinente. En outre, si la lutte contre les terroristes suppose aussi des actions militaires de prévention ou de coercition, les considérations géographiques redeviennent importantes, valorisant les pays susceptibles de fournir des bases avancées contre les cibles terroristes.
Le prépositionnement de forces américaines dans les pays européens de l’OTAN, actuels ou futurs, pourrait même devenir une pré-condition à de futurs élargissements.
<br />B) Rapportés à l’élargissement, les événements du 11 septembre peuvent aussi avoir des répercussions diverses.
Certains arguments peuvent amener à un gel, ou au moins un ralentissement du cours prévu de l’expansion de l’OTAN en mai 2002 : si la coopération anti-terroriste avec la Russie devient en effet prioritaire pour les Américains, il est possible que toute question susceptible de braquer Moscou soit mise entre parenthèses, dont notamment celle de l’élargissement de l’OTAN aux pays baltes. De même, si la priorité des missions de l’OTAN devait être désormais la lutte anti-terroriste, l’enthousiasme de certains pays candidats pour une adhésion rapide à l’organisation pourrait s’en trouver rafraîchi.
En revanche, nombreux sont aussi les arguments plaidant pour une accélération de l’élargissement : si l’OTAN protège aussi, ou surtout, des menaces terroristes, le nombre de pays intéressés par cette protection pourrait s’en trouver accru. Du point de vue américain, si l’article 5 recouvre désormais la lutte anti-terroriste, le maximum de membres permettrait la constitution de consensus et de coalitions les plus larges possibles, tant sur le plan politique que géographique. Non seulement le grand élargissement, le " big bang ", deviendrait nécessaire, mais l’adhésion de la Russie elle-même pourrait apparaître comme une option utile.
Toutefois, même sans aller jusqu’à cette option extrême, la coopération américano-russe contre les réseaux Ben Laden change d’ores et déjà les arguments traditionnels : si des forces militaires américaines utilisent comme bases des Etats d’Asie centrale issus de l’ex-Union soviétique, Moscou pourra difficilement à l’avenir s’opposer à l’élargissement de l’OTAN au nom du caractère précisément intouchable des territoires de l’ex-URSS. De même, nul ne peut exclure que la nouvelle alliance américano-russe contre le terrorisme ne modifie considérablement la perception russe de la politique américaine, et de l’OTAN elle-même, au point de transformer l’actuel casus belli de l’élargissement en question finalement très secondaire.
<br />C) Conclusion
Le nouveau contexte international est sans doute trop fluide pour que l’on puisse tirer des conclusions définitives des événements du 11 septembre. S’agissant de l’OTAN comme de toutes les questions de sécurité, rien ne peut a priori être exclu. Rappelons qu’à chaque révolution du contexte international, les Américains ont su faire preuve d’une grande créativité politique et institutionnelle : SDN après la première guerre mondiale, ONU et OTAN après la seconde. (En revanche, la fin du communisme en 90-91 ne s’est pas traduite par la même effervescence, mais seulement par l’adaptation plus ou moins totale des institutions existantes). Si le terrorisme du 11 septembre fait finalement rentrer le monde dans une nouvelle ère stratégique, il est possible que les Américains se révèlent alors moins conservateurs, autrement dit plus iconoclastes, que leurs partenaires européens.