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EU-Afrique : les enjeux d'un « partenariat stratégique »

01 January 2006

A l'encontre des perceptions des années 1990, une amélioration s'esquisse sur le continent africain. L'« afro-pessimisme » résultant de multiples conflits et de difficultés économiques récurrentes semble s'estomper au profit d'une prise en compte de l'hétérogénéité des situations africaines. Dans le sillage de ces évolutions, le Conseil de l'Union européenne des 15 et 16 décembre 2005 a adopté une nouvelle stratégie pour l'Afrique.
En promouvant le principe d'un « partenariat stratégique »fondé sur l'« African ownership », cette stratégie fait de l'Union africaine le partenaire privilégié de l'approche européenne. Le renforcement de ses capacités politiques et militaires de gestion des conflits devient une priorité. Dans ce cadre, la formation d'une African Standby Force pour gérer des situations de conflit pourrait s'accompagner du premier déploiement des battlegroups européens et donner une dimension supplémentaire à la PESD. Tant sur le plan sécuritaire qu'économique, ce souci d'agir dans le cadre de partenariats et de développer un dialogue constant avec les acteurs africains affiche une volonté de délaisser les solutions importées, voire imposées. Ce partenariat devient le principe fondamental pour répondre aux enjeux, mais aussi aux nouvelles opportunités se présentant en Afrique.
En effet, si les situations au Darfour ou en Côte d'Ivoire restent préoccupantes, d'anciennes zones de conflits connaissent actuellement des améliorations substantielles : Sierra Leone, Burundi, Sud-Soudan, Angola, voire République démocratique du Congo. Elles rendent possible une attention renouvelée aux enjeux économiques. Si l'Afrique continue de ne représenter que 2% du commerce mondial, sa croissance économique en 2005 a pu atteindre 5,4%. Ce regain de croissance découle principalement d'un intérêt accru pour certaines matières premières africaines, notamment le pétrole et les minéraux. De nouveaux acteurs internationaux sur la scène africaine amorcent une politique d'investissements significatifs. La Chine accroît régulièrement ses importations pétrolières depuis l'Afrique, tout en diversifiant ses activités économiques sur ce continent. Plus récemment, l'Inde, voire la Malaisie, se sont également tournées vers l'Afrique pour internationaliser leurs compagnies et sécuriser un accès aux matières premières nécessaires au maintien de leur croissance interne.
Toutefois, ce regain de croissance soulève un double questionnement. D'une part, cette nouvelle manne ne concerne qu'une partie des pays africains ; elle pourrait ainsi conduire à des inégalités régionales déstabilisatrices. De l'autre, au sein des pays bénéficiant de ces ressources supplémentaires, l'utilisation de revenus accrus rappelle des problématiques anciennes. Une répartition inégalitaire des richesses continue de prévaloir. Les politiques publiques bénéficiant à l'ensemble des populations restent limitées, notamment en terme d'éducation et de santé publique, alors que paludisme et sida demeurent des enjeux cruciaux. En l'absence de diversification des économies africaines, celles-ci resteraient tributaires de l'exportation de matières premières.
Ce double enjeu reste l'un des facteurs essentiels des flux migratoires entre pays africains et vers l'Europe. Des décennies de " mauvaise gouvernance " ont en effet généré un scepticisme profond des Africains envers leurs dirigeants et leurs politiques. Le maintien de flux migratoires importants devient ainsi un symptôme des enjeux de gouvernance politique et économique sur le continent africain.
L'Union européenne conserve un rôle majeur en Afrique. La diversité et l'importance de ces moyens d'action peut ainsi lui permettre d'accompagner des changements signifi- catifs tant dans les situations de conflits, de reconstruction ou de renforcement de la croissance économique. Interdépendance et complémentarité potentielles entre les différents instruments européens deviennent un enjeu essentiel pour le succès du " partenariat EU-Afrique ". La mise en pratique de ces deux dimensions, soulignées dans la stratégie adoptée, permettrait de dépasser une juxtaposition d'interventions morcelées. Dans cette perspective, un accroissement des budgets pour la PESC et la PESD ne pourrait que renforcer les actions de stabilisation, condition préalable à une croissance durable en Afrique.